Télétravail – comment différencier un accident domestique d’un accident du travail ?

Inévitablement, avec l’essor du télétravail, arrivent aussi les premiers accidents survenus au domicile des salariés. Ceux-ci bénéficient de la même protection que les travailleurs sur site. L’accident survenu « sur le lieu où est exercé le télétravail » et « pendant l’exercice de l’activité professionnelle » est présumé être un accident du travail (article L. 1222-9 du code du travail).

Pour autant, les particularités du télétravail (absence de témoins, absence de « sas de transition » entre le travail et le domicile, journée de travail entrecoupée d’actes de la vie courante tout aussi accidentogènes) créent un flou qui rend parfois l’identification de l’accident du travail incertaine.

Deux arrêts rendus dans des circonstances assez caricaturales, permettent d’illustrer la ligne de partage.

Quand l’accident survient une minute après la fin du travail…

Dans cette première affaire, la salariée était tombée en remontant du sous-sol où elle avait aménagé son bureau, une minute seulement après s’être déloguée. S’étant fracturé le coude, elle sollicitait une prise en charge au titre de la réglementation sur les accidents du travail. Elle faisait notamment valoir que si le même accident s’était produit sur site, il aurait été reconnu en tant qu’accident du travail, ce qui était exact.

Mais pour la cour d’appel, c’est avant tout une question de timing : l’accident s’était produit en dehors des heures de travail et était sans lien avec l’activité professionnelle de la salariée. Il s’agissait donc d’un accident domestique (Cour d’appel d’Amiens, 2ème chambre de la protection sociale, 15 juin 2023, n° 22/00474)

Quand l’accident survient à deux pas du domicile…

Dans cette seconde affaire, un salarié en télétravail, avait entendu un bruit à l’extérieur de son domicile puis perdu sa connexion Internet. Il était sorti dans la rue pour voir ce qui se passait : un camion avait heurté un poteau électrique. Pendant qu’il était en train de discuter avec le chauffeur, un second véhicule avait percuté les câbles tombés à terre, achevant de déstabiliser le poteau et provoquant sa chute sur le salarié.

Afin que cet accident soit reconnu comme accident du travail, le salarié, grièvement blessé, affirmait avoir quitté son domicile pour les besoins de son activité professionnelle : il cherchait à comprendre l’origine de la panne pour pouvoir renseigner l’opérateur de téléphonie et in fine, permettre le rétablissement de la connexion et reprendre son activité. En vain.

Pour la cour d’appel, c’est avant tout une question de lieu : en sortant de chez lui, le salarié avait interrompu son travail pour un motif qui ne pouvait être que personnel puisque l’employeur ne lui avait donné aucune instruction en ce sens et que son travail ne consistait pas à identifier l’origine d’une panne informatique. Dès lors, il s’agissait d’un accident domestique (Cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion, chambre sociale, 4 mai 2023, n° 22/00884).

Ainsi, en télétravail, il semble que l’accident du travail ne peut être reconnu que pendant les périodes de travail effectif et uniquement s’il survient dans l’espace intérieur du domicile du télétravailleur. Des conditions qui aboutissent à défavoriser les salariés en situation de télétravail par rapport aux salariés travaillant sur site, pour lesquels la Cour de cassation retient une notion plus extensive des temps et lieux de travail et donc des accidents de travail (Cass, ass. plén., 3 juillet 1987, n° 86-14.914).