BONUS SCHEMES : SHOULD THEY BE TRANSLATED INTO FRENCH?

Il n’y a pas si longtemps, dans une affaire que le cabinet défendait, le conseil de prud’hommes avait condamné l’entreprise sur le fondement de l’ordonnance de Villers-Cotterêts, qui a imposé l’usage du français dans les actes officiels en… 1539, oui au XVIe siècle, du temps de François Ier ! Cette référence à un texte vieux de près de cinq siècles nous avait beaucoup fait rire… jusqu’à ce que nous réalisions que cette ordonnance est toujours en vigueur et que le code du travail en est le lointain héritier puisque, lui aussi, impose l’usage du français dans certains écrits destinés aux salariés français… même si la langue de travail est l’anglais et que le salarié la maîtrise parfaitement puisque c’était une condition de son embauche.

Cette exigence, s’applique plus particulièrement aux plans de rémunération variable (« incentive scheme », « compensation plan », « group bonus programme », etc.). Ces plans fixent les objectifs à atteindre et les modalités de calcul du bonus.

Jusque-là rien de nouveau.

Pourtant, nous constatons que les pratiques des groupes internationaux sont rarement conformes et que ces derniers ignorent les conséquences d’une absence de traduction lorsqu’elle est obligatoire. Deux bonnes raisons de revenir sur cette question.

Par principe, les plans de rémunération variable doivent être rédigés en français, sauf s’ils émanent de l’étranger ou que le salarié à qui ils sont destinés est de nationalité étrangère (code du trav. art. L. 1321-6).

Par exemple, un plan établi en anglais par la maison-mère aux États-Unis, repris tel quel sur le papier en-tête de la filiale française, avec la signature du dirigeant français, doit être traduit en français (CA Versailles, 12 janv. 2023, RG n° 20/01551, sté ZTE France).

A défaut, le plan ou plus précisément les objectifs, sont inopposables aux salariés français, lesquels peuvent prétendre à l’intégralité de leur rémunération variable, quels que soient leurs résultats ou ceux de l’entreprise.

Voilà qui fait réfléchir quand on songe que les bonus peuvent atteindre plusieurs dizaines de milliers d’euros…

A l’inverse, si le plan est établi sur le papier en-tête d’une entité étrangère et signé par un représentant légal étranger (CEO group), il relève de l’exception de l’article L. 1321-6 du code du travail réservée aux documents reçus de l’étranger et son contenu, rédigé en anglais, est opposable aux salariés français (CA Versailles, 5 avr. 2023, RG n° 21/00929, Sté STIGA).