J’AI EMBAUCHÉ UN TRAVAILLEUR SANS-PAPIERS !

Embaucher un salarié sans permis de travail peut arriver sans même en avoir conscience. Ainsi, l’entreprise a pu se fier à un titre de séjour qui s’avère être un faux ou appartenir à une autre personne. Moins visible, le salarié peut avoir été embauché par une filiale d’un autre pays européen puis avoir été muté en France. Or, contrairement à une idée reçue, un titre de travail valable pour l’Espagne ou l’Italie, par exemple, ne l’est pas pour la France.

Voici donc 3 conseils pour vous prémunir de ce risque ou vous extraire de ce genre de situations.

Rappelons que seuls sont concernés les ressortissants des états tiers à l’Union européenne, à l’Espace économique européen ou à la Suisse. Les citoyens britanniques sont donc visés depuis 2021.

1 – La vérification du titre de séjour auprès de la préfecture : un préalable indispensable.
Cette vérification préalable à l’embauche est le sésame pour éviter les situations où l’on découvrirait avec consternation, plusieurs mois après l’embauche, que ce collaborateur trilingue, diplômé des meilleures universités européennes et parfaitement intégré… n’a jamais eu de titre de travail valable pour la France et que sa présence dans l’entreprise expose le dirigeant à un risque pénal majeur !
En pratique, l’authentification se fait auprès de la préfecture du lieu d’embauche, avant l’embauche effective. En l’absence de réponse de la préfecture sous deux jours ouvrables, l’obligation de l’employeur est réputée accomplie (code du trav. art. R. 5221-42). Par exception, cette vérification n’est pas nécessaire si le candidat est inscrit comme demandeur d’emploi ou s’il s’agit d’un intérimaire et que la société d’intérim s’est assurée qu’il disposait d’une autorisation de travail.

2 – Conditionner l’embauche à la détention d’une autorisation de travail valable.
Par prudence, le contrat de travail ou la lettre d’embauche prévoira que l’embauche est faite sous réserve de la détention d’un titre de séjour et de travail valable. Le contrat mettra également à la charge du collaborateur l’obligation d’informer l’entreprise de tout changement affectant son titre de séjour et de travail.

3 – Mettre un terme à la relation de travail sans délai si vous êtes dos au mur.
Vous découvrez que le collaborateur n’a plus ou n’a jamais eu d’autorisation de travail, il faut vous en séparer immédiatement, en invoquant non pas une faute (en l’absence de fraude, le simple fait d’être en situation irrégulière n’est pas fautif ; cass. soc., 23 nov., n° 21-12.125) mais l’absence de titre de travail. La loi vous y oblige (code du trav. art. L. 8251-1).

Il ne s’agit pas à proprement parler d’un licenciement puisque la procédure de licenciement n’est pas applicable (l’entretien préalable n’est pas obligatoire) et que le motif de rupture (à savoir l’irrégularité de la situation du salarié) est inattaquable ; vous ne serez jamais condamné pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (cass. soc., 4 juill. 2012, n° 11-18.840), même si vous n’avez pas vérifié l’authenticité du titre de travail (cass. soc., 8 déc. 2009, n° 08-42.100). Aucune protection ne tient face à cette situation, ni celle dont bénéficient les femmes enceintes, ni celle accordée aux représentants du personnel. Enfin, vous n’avez pas à remettre d’attestation chômage, le salarié étant inéligible aux prestations de France travail.

Attention, le fait de ne pas avoir vérifié l’authenticité du titre de travail peut être pénalisant dans l’hypothèse où le salarié a commis une fraude pour se faire embaucher, par exemple, en fournissant le titre de travail d’un tiers : l’absence de vérification vous empêche de vous prévaloir d’une faute grave, privative des indemnités de rupture et de l’indemnité forfaitaire de trois mois prévue en cas de rupture d’un salarié en situation irrégulière (cass. soc., 18 fév. 2014, n° 12-19.214). Celles-ci restent donc dues.