3 conseils pour réussir une lettre de licenciement pour inaptitude

Le licenciement pour inaptitude fourmille de chausse-trappes. L’actualité nous donne l’occasion de faire un focus sur la lettre de licenciement et de rappeler que le bien-fondé du licenciement tient parfois à peu de choses : une vérification et un mot… qui ne sont prévus par aucun texte !

 

1/ S’assurer que le délai de contestation de l’avis d’inaptitude a expiré


Rappelons que le salarié (comme l’entreprise d’ailleurs) a 15 jours à compter de la réception de l’avis d’inaptitude pour saisir le conseil de prud’hommes et lui demander d’inverser la décision du médecin du travail (code du travail, articles L. 4624-7 et R. 4624-45).

Vous pensez peut-être que ce risque est théorique. Détrompez-vous. Même dans les cas où l’inaptitude est déclenchée par le salarié pour lui permettre de s’extraire d’une situation conflictuelle, celui-ci a intérêt à faire disparaître l’avis d’inaptitude qui a fondé son licenciement.

Ensuite, vous vous dites que les 15 jours sont largement passés au moment de l’envoi de la lettre de licenciement puisqu’il aura fallu au préalable rechercher un poste de reclassement et respecter les étapes de la procédure de licenciement. Là encore, rien n’est moins sûr car le délai ne commence à courir que si la réception de l’avis d’inaptitude peut être datée avec certitude, ce qui suppose soit une remise en mains propres contre émargement, soit un envoi par LRAR.

Si le médecin du travail a remis l’avis d’inaptitude contre émargement, aucun problème. Le délai de contestation a commencé à courir et aura expiré au jour de l’envoi de la lettre de licenciement. Mais si comme dans 99,99 % des cas, le médecin du travail ne s’est pas embarrassé de ce formalisme, alors le délai n’a pas commencé à courir et la saisine du conseil de prud’hommes reste possible indéfiniment (cass. soc., 2 mars 2022, n° 20-21715, Association Vivre et devenir Villepinte Saint-Michel) avec le risque que le conseil de prud’hommes inverse la décision du médecin du travail et prive le licenciement de son bienfondé !

Notre conseil est donc d’envoyer une copie de la fiche d’inaptitude par LRAR pour être certain de déclencher le compte-à-rebours du délai de contestation.

 

2/ Mentionner les termes « inaptitude » et « impossibilité de reclassement »

Contrairement à ce qu’on pourrait penser, ce n’est pas l’inaptitude qui légitime le licenciement mais l’impossibilité de reclasser le salarié à un poste compatible avec son aptitude résiduelle (code du travail, L. 1226-2-1 et L. 1226-12). C’est pourquoi la lettre doit contenir ces deux mentions (et pas uniquement dans la partie « objet » du courrier comme nous l’avons déjà vu faire).

Cette impossibilité peut avoir plusieurs causes : le médecin du travail peut avoir écarté la recherche de reclassement ; l’entreprise ou le groupe peuvent n’avoir aucun poste à proposer ; le salarié peut avoir refusé les postes de reclassement (c’est son droit).

Dans toutes ces situations, la lettre doit mentionner à la fois « l’inaptitude médicalement constatée » et « l’impossibilité de reclassement ».

Ce formalisme ne souffre aucune exception. Par exemple, indiquer que le salarié a refusé tous les postes proposés, ne suffira pas à rattraper l’absence de la seconde mention, même si l’impossibilité de reclassement se déduit du refus du salarié (cass. soc. 14 déc. 2022, nº 21-17.664, Association des papillons blancs du Finistère).

Si le second terme ne figure pas dans la lettre, c’est toute la motivation qui risque de s’effondrer, exposant l’entreprise à une condamnation pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (avec un plancher d’indemnisation porté à 6 mois de salaire brut lorsque l’inaptitude résulte d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle).

Ce scenario catastrophe suppose toutefois que le salarié (bien conseillé) ait demandé à la société de préciser les motifs de son licenciement et que l’employeur (mal conseillé) n’en ait pas profité pour corriger son omission. Cette procédure « de précision » est encadrée par des délais et un formalisme stricts : la demande du salarié doit notamment être faite dans les 15 jours calendaires suivants la réception de la lettre de licenciement (articles L. 1235-2 et R. 1232-13 du code du travail). En l’absence de demande de la part du salarié dans les formes et délais prescrits par la loi, l’omission sera assimilée à une simple « insuffisance de motivation » et sanctionnée par une indemnité plafonnée à un mois de salaire brut si le licenciement repose par ailleurs sur une cause réelle et sérieuse.

 

3/ S’inspirer des modèles mis en ligne par le ministère du travail

Si vous n’êtes pas sûrs de vous, vous pouvez toujours vous inspirer des modèles de lettre de licenciement mis en ligne par le ministère du travail sur son site « code de travail numérique »… Ou faire appel à un avocat dont c’est la spécialité !