LE CHARME VENENEUX DES CLAUSES DE MOBILITE INTRAGROUPE

Nos clients s’étonnent souvent de l’absence de clause de mobilité intragroupe dans les modèles de contrat de travail que nous rédigeons pour eux. Une clause qui leur permettrait de muter un salarié d’une filiale à l’autre, parfois à l’étranger, au gré des besoins du groupe et de l’évolution de sa carrière. Non seulement ça n’est pas possible mais il faut savoir résister au charme d’une telle clause. Nous vous expliquons pourquoi à travers l’expérience de Clarisse, DRH d’un groupe basé à Paris.

Son groupe vient de racheter une société située à Lyon. Les contrats de travail de cette société contiennent une clause de mobilité rédigée comme ceci : « M. X accepte par avance sa mutation dans tout autre établissement ou filiale, situés en France métropolitaine ». La direction souhaiterait regrouper les fonctions support au niveau de la société tête de groupe, située à Paris. Certains salariés de la filiale lyonnaise sont hostiles à cette mutation. D’autres l’ont déjà acceptée. Clarisse peut-elle s’appuyer sur la clause de mobilité qui figure à leur contrat pour gérer aussi bien les refus que les acceptations ?

La réponse est non et voici les conseils que nous pouvons donner à Clarisse.

1 – Ne pas succomber à la tentation

La mobilité intragroupe implique bien plus qu’un changement de lieu de travail. Elle implique un changement d’employeur, ce qui ne peut pas être imposé au salarié. C’est la raison pour laquelle les clauses qui prévoient par avance une mobilité entre filiales sont nulles juridiquement parlant (cass. soc., 23 sept. 2009, no 07-44.200). C’est comme si elles avaient été écrites à l’encre invisible. Le fait que le salarié ait signé son contrat n’y change rien. S’il refuse le changement, l’entreprise sera contrainte au statu quo. Invoquer ce refus pour licencier le salarié (pour faute donc) exposerait l’entreprise à une condamnation pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le meilleur conseil est donc d’agir comme si le salarié n’avait jamais consenti à une mobilité intragroupe.

2 – Penser à formaliser la rupture en cas de mobilité

La mobilité intragroupe reste possible mais avec l’accord du salarié. Un accord à trois (salarié, société de départ et société d’arrivée) qui portera à la fois sur la rupture du premier contrat (avec la filiale lyonnaise dans le cas de Clarisse) et sur la conclusion du nouveau contrat (avec la holding parisienne).

Attention, si le salarié accepte sa mutation sans signer une convention tripartite de transfert, c’est-à-dire sans formaliser la rupture de son ancien contrat, cela ne suffit pas. Car techniquement, l’entreprise d’origine aura « licencié » le salarié… sans lettre de licenciement. Elle s’expose donc à une condamnation pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (cass. soc., 26 oct. 2022, n° 21-10.495, société SICAE ; dans cette affaire, c’est la salariée qui avait demandé sa mutation !).

3 – La nullité, c’est contagieux

Dans le cas de Clarisse, la mobilité entre établissements situés en France (parfaitement licite) a été combinée avec une mobilité intragroupe (interdite). Dans ce cas, c’est toute la clause de mobilité qui devient inapplicable. C’est comme si la disposition illicite (mobilité entre filiales) avait contaminé la disposition licite (mobilité entre établissements). Impossible donc de découper la clause pour n’en faire qu’une application partielle (cass. soc., 14 décembre 2022, nº 21-18.633, SAS Sunpower Energy solutions France).

Alors, après avoir lu cet article, nous demanderez-vous encore d’intégrer des clauses de mobilité intra-groupe dans les modèles de contrats que nous rédigeons pour vous ?