DOCUMENT UNIQUE D’ÉVALUATION DES RISQUES : ON A TOUT FAIT SAUF ÇA !

C’est ce que me disait, découragé, un dirigeant pour lequel je réalisais un audit de conformité.

 

Ce document au nom énigmatique (DUERP) est souvent relégué à la fin de la « to do » liste des formalités juridiques. Bonne nouvelle : l’assurance maladie vient de mettre en ligne un outil interactif, très bien fait, pour permettre à l’employeur de réaliser son DUERP, facilement et gratuitement (https://www.ameli.fr/entreprise/votre-entreprise/outils-gestion-prevention-risques-professionnels/outil-evaluation-des-risques). L’occasion de se mettre enfin en conformité alors que l’étau se resserre autour de l’entreprise.

 

Le DUERP, c’est quoi au juste ?

D’abord, le DUERP concerne toutes les entreprises, dès l’embauche du premier salarié. Les exigences sont allégées pour les plus petites entreprises, mais la démarche reste la même : cibler et prévenir les risques.

La première étape consiste donc à cartographier les risques (chutes, lombalgie, risques routiers, électrocution, incendie, addictions, burnout, harcèlement, etc.) générés par l’activité de l’entreprise, en fonction des postes ou des secteurs géographiques de l’entreprise. Travailler dans les bureaux, derrière un écran d’ordinateur ne présentera pas les mêmes risques que d’être en boutique au contact de la clientèle ou de prendre un café dans l’espace détente.

Chaque risque doit être gradué en fonction de sa fréquence et de sa gravité et des mesures de prévention déjà existantes.

La seconde étape consiste à déterminer les actions à mettre en place pour supprimer ou atténuer les risques, en leur affectant un responsable, une échéance et un budget et en prévoyant un suivi. La graduation des risques permettra de s’attaquer en priorité aux risques les plus graves.

Le tout sera consigné dans un document « unique » (DUERP).

 

Un faux sentiment de sécurité

Il est certain que les entreprises où le travail de bureau prédomine ne perçoivent pas l’intérêt de ce triple travail (cartographie/ prévention/ consignation). Dans le fond, à part se prendre les pieds dans une rallonge électrique, que peut-il arriver ?

Ce sentiment de sécurité est trompeur.

D’abord parce que les risques sont plus présents qu’on ne pense.

La lutte contre les risques dits « psychosociaux » prend une ampleur sans précédent. Plus aucun licenciement n’est contesté aux prud’hommes sans que le salarié se prévale également d’un harcèlement ou une discrimination. Or ce type de risques n’épargne aucune activité.

Le Covid a montré que le risque épidémiologique faisait partie des risques professionnels « universels » et qu’il pouvait avoir des conséquences graves.

Le télétravail même s’il est a priori un facteur d’équilibre vie privée-vie professionnelle, est aussi source de risques : un manager peut s’épuiser à encadrer ses équipes à travers un écran, la distanciation des liens peut finir par peser moralement, etc.

Les risques physiques peuvent également se nicher dans des gestes anodins. Par exemple, monter sur son fauteuil de bureau pour ajuster un store peut provoquer une chute violente, entraînant une immobilisation de plusieurs mois, puis au retour, des aménagements de postes contraignants, voire le licenciement pour inaptitude d’un bon professionnel.

 

Des coûts prohibitifs en cas d’accident

Dans des entreprises de petite taille, le coût organisationnel et financier de tels accidents, même s’ils sont rares, vaut la peine de réfléchir à des mesures préventives.

En cas d’accident ou de maladie, l’absence de DUERP viendra conforter le manquement de l’employeur à son obligation de sécurité, l’obligeant à réparer le préjudice subi, dans le cadre d’un contentieux prud’homal.

Sur le plan de l’assurance maladie, il n’est plus rare qu’un burnout soit reconnu comme maladie professionnelle, ce qui en soi, est générateur de coûts : doublement de l’indemnité légale de licenciement et versement de l’indemnité de préavis (alors que celui-ci ne peut pas être effectué), si le médecin du travail conclut à l’inaptitude et que le salarié doit être licencié. L’absence de DUERP fera, en outre, partie des éléments pris en compte dans l’appréciation de la responsabilité de l’employeur : la majoration des indemnités servies par la CPAM à la victime sera refacturée à l’entreprise, fautive de n’avoir pas pris les mesures de prévention « primaire », parmi lesquelles le DUERP.


Des textes de plus en plus contraignants

Déjà pendant la crise sanitaire, les employeurs avaient été fortement incités par le gouvernement à mobiliser cet outil pour lutter contre l’épidémie. Désormais, le législateur en a fait l’outil phare de la prévention des risques en entreprise, quel que soit son effectif (Loi n° 2021-1018, du 2 août 2021, pour renforcer la prévention en santé au travail). Désormais, le comité social et économique (CSE) est consulté sur le DUERP et ses mises à jour (a minima annuelles dans les entreprises d’au moins 11 salariés). Les actions de prévention doivent lui être « présentées ». Les différentes versions du DUERP doivent être transmises au service de santé au travail. Elles doivent être conservées pendant 40 ans. Bientôt (2023 pour les entreprises d’au moins 150 salariés et 2024 pour les autres), chaque version devra faire l’objet d’un dépôt dématérialisé, sur un portail numérique…

Il va donc devenir de plus en plus difficile de passer entre les mailles du filet.