Avez-vous pensé à évaluer la charge de travail de vos collaborateurs en forfait-jours ?

Le premier semestre vient de s’écouler et beaucoup d’accords collectifs sur les forfaits-jours ont prévu un entretien semestriel de suivi de la charge de travail des salariés en forfait-jours.

Sans cet entretien de suivi, l’application du forfait-jours peut être écartée. Ce qui signifie que le salarié revient à 35 heures et qu’il peut obtenir le paiement des heures supplémentaires réalisées sur toute la période où sa charge de travail n’a pas été suivie.

Encore faut-il qu’il apporte des éléments de preuve suffisamment convaincants concernant ses dépassements horaires.

Jusqu’ici, les tribunaux étaient réticents à admettre l’existence d’heures supplémentaires et nous abordions ce type de contentieux relativement sereins. En l’absence d’un décompte précis des horaires de travail accompagné d’une bonne dizaine d’attestations de collègues (ce qui était très difficile à obtenir), ces demandes étaient généralement rejetées.

Nous observons cependant un net infléchissement des décisions de justice, y compris de la cour de cassation (Cass. soc., 5 janvier 2022, n° 20-22.898 ; Cass. soc., 12 janvier 2022, n° 19-25.428 ; Cass. soc., 13 avril 2022, n° 20-17.896), qui nous incite à tirer la sonnette d’alarme.

Il suffit désormais que le salarié produise une évaluation forfaitaire, « à la louche », de ses dépassements horaires (sans aucune précision sur les horaires de travail réalisés), accompagné d’attestations issues d’un cercle non professionnel (celle de son conjoint, d’un ami ou d’un voisin), pour que la balle passe dans le camp de l’employeur. A lui ensuite d’apporter ses propres éléments.

Naturellement, ses moyens de défense sont limités puisque par définition, il n’a pas enregistré le temps de travail des salariés en forfait-jours.

Dans un dossier récent, nous avions produit des attestations du prédécesseur et du successeur du salarié, affirmant tous deux que leurs dépassements horaires étaient ponctuels et généralement rattrapés par des demi-journées de repos. Ces éléments n’ont pas convaincu les conseillers prud’homaux. L’entreprise a été condamnée à l’équivalent du tiers des demandes du salarié (outre les charges sociales).

Les risques sont d’autant plus élevés que ces demandes sont systématiques depuis l’introduction du barème Macron, avec pour effet un renchérissement du coût de la rupture, même si celle-ci est justifiée.

Un des moyens de se protéger contre cette inflation est de veiller à suivre la charge de travail des salariés en forfait-jours, selon les échéances fixées par l’accord collectif, sans faire l’impasse sur certains items sensibles tels que l’adéquation de la rémunération à la charge de travail. Cela suppose aussi de se doter d’un compte-rendu d’entretien approprié, à des fins probatoires.